ÉVANGÉLISATION ET CATÉCHÈSE

1. La mission évangélisatrice de l'Église. 2. Apostolat de la doctrine. 3. « Une grande catéchèse ». 4. Les vertus de l'évangélisateur.

1. La mission évangélisatrice de l'Église.
2. Apostolat de la doctrine.
3. « Une grande catéchèse ».
4. Les vertus de l'évangélisateur.

1. La mission évangélisatrice de l'Église

« Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la Sainte Messe qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse » (EN, 14). Avant Vatican II, on se contentait d’utiliser le terme « évangélisation » pour désigner uniquement la « première annonce » (Kérygma) ; au Concile, on l’a aussi appliqué au ministère de la Parole ; le Synode des évêques de 1974 en a élargi le sens pour y inclure les trois fonctions de la mission (prophétique, sacerdotale et royale). Comme le montre bien la première citation, l'Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi englobe par ce terme toute l'action de l'Église au service des hommes : outre la première annonce et la catéchèse, la prédication, la célébration liturgique, le témoignage de la foi et de la charité, etc.

La première proclamation cherche à éveiller la foi en Jésus-Christ et en son Évangile chez le païen. La catéchèse, à proprement parler, est l'approfondissement organique et systématique des contenus de la Révélation, visant d'abord à préparer le néophyte à l'initiation chrétienne et ensuite à rendre la vie de foi toujours plus mûre et cohérente. À l'heure actuelle, alors que la mission ad gentes se poursuit, il est nécessaire de « réévangéliser » également les peuples de l'ancienne tradition chrétienne, en particulier les pays dits occidentaux, marqués par un « sécularisme » progressif. Déjà Paul VI parlait « des multitudes de personnes qui ont reçu le baptême mais vivent en dehors de toute vie chrétienne » (EN, 52). Immédiatement après le Grand Jubilé de l'an 2000, Jean-Paul II a exhorté les chrétiens à « avancer au large » (cf. Lc 5, 4) dans un élan apostolique renouvelé : « À maintes reprises, j'ai répété ces dernières années l'appel à la nouvelle évangélisation. Je le reprends maintenant, surtout pour montrer qu'il faut raviver en nous l'élan des origines, en nous laissant pénétrer de l'ardeur de la prédication apostolique qui a suivi la Pentecôte. Nous devons revivre en nous le sentiment enflammé de Paul qui s'exclamait : « Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile ! » (1 Co 9,16) » (NMI, 40).

La conscience de la mission évangélisatrice de l'Église a profondément inspiré le ministère sacerdotal de saint Josémaria et son travail de fondateur de l'Opus Dei. Tout au long des cinquante années de son sacerdoce, il s'est généreusement consacré à la prédication, à la catéchèse, à une vaste activité de direction spirituelle, tant personnelle que collective, et à la rédaction d'ouvrages de spiritualité, aujourd'hui diffusés dans le monde entier en plusieurs langues et à des millions d'exemplaires. Jean-Paul II, dans l'audience qu'il a accordée le 7 octobre 2002 aux pèlerins présents à la canonisation du fondateur de l'Opus Dei, a pu affirmer : « Saint Josémaria était profondément convaincu que la vie chrétienne porte en elle une mission et un apostolat : nous sommes dans le monde pour le sauver avec le Christ. Il a aimé le monde passionnément, d'un amour rédempteur » (Romana. Bulletin de la Prélature de la Sainte-Croix et de l'Opus Dei 35, 2002, pp. 216-217).

2. Apostolat de la doctrine

Le désir d'évangéliser a enflammé le cœur de saint Josémaria dès qu’à l’adolescence il commença à penser à sa vocation. Les biographes témoignent qu'il a toujours placé la formation doctrinale des fidèles, en particulier des jeunes, au premier plan de son activité pastorale. Il écrivit d’une manière lapidaire : « apostolat de la doctrine : ce sera toujours ton apostolat » (S 225). Alors qu'il fréquentait, en tant qu'étudiant externe, le Séminaire de Logroño, il s'associa spontanément aux activités catéchétiques confiées aux séminaristes (cf. AVP, I, p. 108). Après son ordination sacerdotale, reçue à Saragosse le 28 mars 1925, il remplaça brièvement le curé d'une paroisse rurale et ensuite, pendant presque deux ans, il occupa le poste d'aumônier adjoint dans un presbytère de la ville : dans les deux cas, il fit la preuve d’un vif zèle apostolique et d’une préoccupation concrète pour la catéchèse (cf. AVP, I, pp. 217-227).

Installé à Madrid pour obtenir un doctorat en Droit, il occupe entre 1927 et 1931 le poste d'aumônier du Patronato de Enfermos, géré par la Congrégation des Dames Apostoliques. Outre l'énorme travail pastoral consistant à administrer les sacrements aux malades dans les quartiers les plus pauvres de Madrid, il collabore activement à la préparation à la première communion de milliers d'enfants fréquentant les écoles gérées par l’Obra de la Preservación de la Fe (cf. González-Simancas, 2008 pp. 147-203). Vázquez de Prada affirme qu'il a préparé « quelque 4000 enfants à la première communion chaque année » (AVP, I, p. 279). Une dame apostolique se souvient de lui comme « d'un prédicateur et d'un catéchiste sérieux et rigoureux » (AVP, I, p. 277). Au début des années 30 et jusqu'au début de la guerre civile espagnole, il a conduit de nombreux étudiants à collaborer à la catéchèse dispensée dans les quartiers les plus inconfortables et socialement problématiques de Madrid (cf. AVP, I, pp. 474-484). Les conversations que saint Josémaria a eues avec Mgr Francisco Morán, vicaire général du diocèse de Madrid (cf. Casas, 2008, pp. 371-411), sont le reflet de cette activité et de l'effort pour la mener à bien en union avec les autorités ecclésiastiques.

Alors qu'il déployait ce généreux zèle sacerdotal, saint Josémaria reçut, le 2 octobre 1928, l'inspiration divine qui donna naissance à l'Opus Dei dont le but est d'éveiller chez les chrétiens de toute condition sociale la conscience de la vocation baptismale à la sainteté à travers les activités quotidiennes, en commençant par le travail professionnel. « Un secret. — Un secret à crier sur les toits : ces crises mondiales sont des crises de saints. — Dieu veut une poignée d’hommes « à Lui » dans chaque activité humaine. — Après quoi… pax Christi in regno Christi : la paix du Christ dans le règne du Christ » (C 301).

La culture laïcisante actuelle tend à exclure toute manifestation ou influence de la foi du monde des professions, de l'organisation économique et politique, de l'art, du divertissement, etc. Saint Josémaria a enseigné que la réponse au sécularisme passe par le dépassement d'une vision déformée du christianisme qui conduit à « une sociologie ecclésiastique, dans une espèce de monde à part qui se présente lui-même comme l'antichambre du ciel, cependant que le commun des mortels suit son propre chemin » (Entretiens 113). Il faut au contraire promouvoir une authentique laïcité chrétienne qui permette à l’essence de l'Évangile d'imprégner chaque réalité humaine, le travail, la famille, les relations sociales, même les activités apparemment les plus « profanes », comme le divertissement et la détente : « Il est urgent de rechristianiser les fêtes et les coutumes populaires. — Il est urgent d’éviter que les spectacles publics ne connaissent que cette alternative : ou mièvres, ou païens. Demande au Seigneur que des gens s’attellent à cette tâche urgente que nous pourrions appeler “ l’apostolat des loisirs ” » (C 975). La recherche de la sainteté personnelle va de pair avec l'apostolat qui jaillit spontanément du témoignage que constitue l'action vivifiée par la lumière et la vérité du Christ. « L'apostolat fait partie de la nature même du chrétien : ce n'est pas quelque chose de surajouté, de superposé, d'extérieur à son activité quotidienne, à ses occupations professionnelles. Je n'ai cessé de le répéter depuis que le Seigneur a voulu faire naître l'Opus Dei: il s'agit de sanctifier le travail ordinaire, de se sanctifier dans cette tâche et de sanctifier les autres dans l'exercice de sa profession, chacun dans son état » (QCP 122).

3) « Une grande catéchèse ».

Saint Josémaria aimait définir l'activité pastorale de l'Opus Dei comme « une grande catéchèse », en utilisant ce terme dans un sens large, comme le processus qui tend à la maturité intégrale du chrétien, y compris la formation doctrinale. « L'apostolat chrétien — et je me réfère ici, concrètement, à celui d'un chrétien courant, à celui d'un homme ou d'une femme qui vit sans être rien de plus que ses semblables — est une grande catéchèse où, grâce aux rapports personnels et à une amitié loyale et authentique, on éveille chez les autres la faim de Dieu, et où on les aide à découvrir de nouveaux horizons ; avec naturel, avec simplicité, vous ai-je dit, par l'exemple d'une foi vécue à fond, par la parole aimable mais toute pleine de la force de la vérité divine » (QCP 149). S'il veut être toujours prêt à rendre compte de sa propre espérance (cf. 1 P 3, 15), le fidèle chrétien doit acquérir une formation doctrinale adaptée à sa propre situation. Dès le début de son ministère, saint Josémaria a promu cette formation de toutes les manières possibles chez ceux qui s'approchaient de l'Opus Dei : « On organise une formation religieuse doctrinale, qui dure toute la vie, et incite à une piété active, sincère et authentique, et à une ferveur qui implique nécessairement l'oraison continuelle du contemplatif et la tâche apostolique, personnelle et responsable, exempte de toute espèce de fanatisme » (Entretiens 63).

Face à l'inquiétante désorientation doctrinale de l'époque dite postconciliaire, alimentée par le phénomène de la dissidence dans sa confrontation avec le Magistère ecclésiastique et les bouleversements socioculturels de 1968, saint Josémaria a perçu encore plus profondément la responsabilité d'exhorter les chrétiens à rester « fermes dans la foi » (1 P 5, 9). Peu enclin par tempérament à se montrer, il accepte, entre 1966 et 1968, de donner des interviews à des journaux et magazines prestigieux sur les questions ecclésiales les plus actuelles. Dans ces entretiens, il montre que le Concile Vatican II a cherché à raviver le dynamisme de l'Évangile sur la base d'une pleine fidélité au dépôt de la foi : « l'aggiornamento de l'Église — aujourd'hui comme à toute autre époque — est fondamentalement ceci : une réaffirmation joyeuse de la fidélité du Peuple de Dieu à la mission reçue, à l'Évangile » (Entretiens 1).

Avec le désir de confirmer ses enfants spirituels dans cette joyeuse fidélité à l'Évangile, le fondateur de l'Opus Dei entreprend, à partir de 1970, une longue série de catéchèses publiques dans divers pays d'Europe et d'Amérique. Il s'agissait toujours de rassemblements informels auxquels participaient parfois de petits groupes, parfois des milliers de personnes. Saint Josémaria avait l'habitude de commencer le dialogue par quelques brèves considérations d'ordre spirituel, et invitait immédiatement les participants à prendre la parole. Les gens lui posaient des questions sur les sacrements, sur la prière, sur les vertus chrétiennes, sur l'amour conjugal et l'éducation des enfants, sur l'amour de l'Église et du pape, etc. Les réponses se succédaient dans un dialogue serré, plein de spontanéité. En mai 1970, il était au Mexique. En 1972, il effectue une tournée de deux mois dans différentes villes d'Espagne et du Portugal, avec plusieurs réunions quotidiennes de toutes sortes dont il existe des enregistrements filmés. Selon Vázquez de Prada, le nombre total de ceux qui ont participé à ces réunions dépasse 150 000 (cf. AVP, III, p. 647). Entre mai et août 1974, il effectue un voyage en Amérique du Sud : Brésil, Argentine, Chili, Pérou, Équateur et Venezuela. En février 1975, il retourne au Venezuela et visite le Guatemala. Lors de cette dernière étape, il tombe malade : ainsi privé de ses forces, il est contraint d’interrompre son voyage de manière anticipée.

4. Les vertus de l'évangélisateur

Le fondateur de l'Opus Dei prêchait sans cesse que la première condition de l'œuvre d'évangélisation est la recherche de la sainteté personnelle fondée sur l'exercice des vertus théologales et cardinales : « C'est une question de foi », répondait-il à quiconque lui présentait les difficultés de l'apostolat. Dans une homélie, il a raconté l'épisode suivant : « Un homme bon, mais sans foi, me dit un jour en me montrant une mappemonde : Regarde, du nord au sud et de l'est à l'ouest. ‒ Que veux-tu que je regarde ? lui demandai-je. Il me répondit : L'échec du Christ. Tant de siècles pour essayer de faire entrer sa doctrine dans la vie des hommes, et vois le résultat. Cela me remplit tout d'abord de tristesse. Il est en effet très douloureux de constater que nombreux sont ceux qui ne connaissent pas encore le Seigneur et que, parmi ceux qui Le connaissent, nombreux sont ceux qui vivent comme s'ils ne Le connaissaient pas. Mais cette impression ne dura qu'un instant, et fit place à l'amour et à la reconnaissance, parce que Jésus a voulu que chacun coopère librement à son œuvre rédemptrice. Il n'a pas échoué : sa doctrine et sa vie continuent de féconder le monde. La rédemption qu'Il a réalisée est suffisante et surabondante » (QCP 129).

La foi et l'espérance se prolongent par l'invitation à recourir à une prière incessante, confiante et audacieuse : « Aide-moi à réclamer une nouvelle Pentecôte qui embrase encore une fois la terre » (S 213). Parallèlement, il est nécessaire d'exercer la charité qui a tant de manifestations : compréhension, esprit de service et de collaboration, solidarité, etc. Comme Jésus sur le chemin d'Emmaüs, il est nécessaire de marcher à côté des gens, de devenir leurs amis, de comprendre leurs doutes et leurs problèmes, de réchauffer leur cœur par la charité et d'éclairer leur esprit par la doctrine (cf. C 917).

Lorsqu’on fait passer la doctrine dans le cadre d'un dialogue amical, il est plus facile de s'adapter à la mentalité et à la culture de l'interlocuteur avec cette capacité que saint Josémaria n’hésitait pas à qualifier de sorte de « don des langues » : « J’insiste auprès de toi : demande au Seigneur qu’il nous accorde à nous ses fils le “don des langues”, le don de nous faire comprendre de tous. Pourquoi je le désire, ce “don des langues” ? Tu peux le déduire des pages de l’Évangile, qui abondent en paraboles, en exemples qui rendent tangible la doctrine et illustrent ce qui est spirituel sans avilir ni dégrader la parole de Dieu. Pour tous — qu’ils soient ou non des savants —, il est plus facile de considérer et de comprendre le message divin au moyen de ces images empruntées à la vie des hommes » (F 895). Ses catéchèses en étaient un modèle éloquent : à Barcelone en 1972 lors d'une réunion multitudinaire qui se déroulait dans le gymnase d'une école de sport, il évoqua quelques images des Jeux Olympiques qu'il avait vues à la télévision quelques mois auparavant, et il compara naturellement l'aide de la grâce pour surmonter les épreuves de la vie avec la perche avec laquelle l'athlète s’élance pour le saut victorieux.

Celui qui doit faire connaître le Christ, répandre l'Évangile, la bonne nouvelle, doit d'abord être personnellement uni à la Croix. « Âme d’apôtre ; toi d’abord » (C 930). Et ensuite faire en sorte que cette union personnelle avec Dieu se manifeste dans l'attitude et les actes : « Mine allongée…, manières brusques…, allure ridicule…, aspect antipathique…, est-ce ainsi que tu espères encourager les autres à suivre le Christ ? » (C 661). La joie chez un bon chrétien doit inspirer tout travail d'évangélisation.


Thèmes connexes : Apostolat ; Catéchèse (travail et voyages de) ; Fidèles chrétiens ; Activité de l'Opus Dei ; Sécularité ; Voyages apostoliques.

Bibliographie : C passim ; F passim ; S passim ; AVP, I passim ; Benoît XVI Discours à la Curie romaine 22-XII-2005 Congrégation pour le Clergé, Directoire général pour la catéchèse, 25-VIII-1997 ;Jean-Paul II, Lettre apostolique, Novo Millennio Ineunte 2001 Id. Ap. Novo millennio ineunte 2001 Id. Lettre encyclique Redemptoris missio 1990 ; Paul VI, Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi, 1975 ; Santiago Casas Rabasa, « Notes écrites de saint Josémaria sur ses visites à Francisco Morán (1934-1938) », SetD, 3 (2009), pp. 371-411 ; Julio González-Simancas y Lacasa, « Saint Josémaría au milieu des malades de Madrid (1927-1931) », SetD, 2 (2008), pp. 147-203.

Marco Porta